Gabriel Pottier et Maxime Bonningue, fondateurs de Petit Paris - L'amitié comme ADN entrepreneurial & la pâtisserie comme langage universel

« Parce que c'était lui, parce que c'était moi. »

C’est avec ces mots que Montaigne parlait de son ami La Boétie. Des mots simples qui disent l'évidence. Celle qu'on ne justifie pas. Celle qui est, tout simplement.

C'est exactement ce que j'ai ressenti en face de Maxime et Gabriel.

Amis depuis la maternelle. Deux gamins qui ont grandi ensemble à Munich, sur les bancs du Lycée Jean Renoir, entre français et allemand. Puis deux jeunes hommes qui ont pris des routes opposées : l'un plonge dans le marketing et les startups à Passau, puis Munich et Londres, l'autre s'envole vers Bangkok, Oslo, Paris, pour devenir pâtissier.

Mais le fil ne s'est jamais rompu.

Et un jour, ils se retrouvent. Pas par nostalgie. Par certitude. Celle qu'ensemble, ils peuvent créer quelque chose qui leur ressemble. Quelque chose de rare, de beau, d'exigeant.

Alors ils fondent Petit Paris.

Une maison pâtissière à Munich, où l'artisanat français rencontre une modernité décomplexée. Ici, on ne triche pas : tout est fait main, avec des ingrédients choisis pour leur caractère. Pas de dogme, pas de posture - juste une obsession pour le goût juste, le geste précis, le moment partagé. Leurs créations ne sont pas que des desserts. Ce sont des invitations à ralentir, à savourer et à célébrer.

Dans cet épisode, on parle d'amitié, oui. Mais aussi de complémentarité, de transmission, de l'art de construire ensemble sans s'effacer. On parle d'entrepreneuriat comme acte de cohérence et de pâtisserie comme langage universel capable de tisser du lien par-delà les frontières.

Bienvenue dans l'univers de Petit Paris.

Notes de l’épisode

L'amitié comme point de départ

Tout commence au Lycée Français de Munich. Maxime et Gabriel ont 5 ans quand ils se rencontrent. Ils grandissent ensemble, dans ce microcosme particulier où les mêmes visages se côtoient de la maternelle au bac. Une proximité qui forge des liens solides, bien au-delà de la simple camaraderie.

Mais contrairement à ce qu'on pourrait croire, leur amitié ne les condamne pas à suivre le même chemin. Au contraire.

"On s'est toujours dit qu'on pourrait travailler ensemble un jour. Mais on ne savait pas quand, ni sur quoi."

Après le bac en 2018, leurs routes divergent. Maxime part étudier le commerce à Passau, puis à Munich. Gabriel, lui, s'envole vers Bangkok pour un stage au Mandarin Oriental. Six mois qui confirment une intuition : la pâtisserie n'est pas qu'un hobby, c'est une vocation.

Deux parcours, deux écoles de vie

Gabriel : de Bangkok à Paris, la quête de l'excellence

Gabriel ne fait rien à moitié. Après Bangkok, il intègre l'École Nationale Supérieure de Pâtisserie à Yssingeaux — une formation exigeante, réputée pour former les meilleurs. Trois ans d'apprentissage intensif : techniques classiques, créativité, mais aussi gestion et entrepreneuriat.

Entre les cours, il enchaîne les stages. À Oslo, chez un pâtissier français qui a su adapter ses créations au marché norvégien. À Paris, chez un chocolatier 100% végétal et casher, qui lui ouvre les yeux sur une autre manière de concevoir la pâtisserie.

"Travailler sans crème, sans beurre, sans œufs… c'est une remise en question totale. Et c'est exactement ce qui m'a passionné."

À la sortie de l'école, il rejoint Yumgo, une start-up spécialisée dans les substituts d'œufs pour pâtissiers. Pendant un an et demi, il plonge dans la R&D, accompagne des clients, affine son expertise. Mais la routine finit par s'installer. Et Gabriel a besoin de mouvement, d'apprentissage, de création.

Maxime : du marketing aux startups, l'école de la débrouille

Maxime, lui, emprunte un chemin plus classique en apparence. Études de commerce, alternance chez StudySmarter, une startup munichoise où il touche à tout : marketing, sales, RH, stratégie. Une formation sur le tas, au contact direct des fondateurs.

Mais après son bachelor, il ressent le besoin de voir ailleurs. Direction Londres, où il passe six mois dans un catering. Une expérience qui le confronte aux limites du système : des desserts achetés tout faits, des options végétales inexistantes ou bâclées, une logistique compliquée.

"On avait toujours trois desserts différents : un classique, un végétarien, un végétal. Sauf que le végétal partait en premier… parce que tout le monde voulait y goûter."

C'est là que les premières graines germent. En discutant régulièrement avec Gabriel, ils réalisent qu'ils partagent la même frustration : pourquoi personne ne propose de la pâtisserie française, artisanale, accessible à tous, sans compromis sur le goût ?

Le déclic : "Pourquoi pas maintenant ?"

Fin 2024. Gabriel commence à envoyer des CV. Maxime aussi. Ils cherchent tous les deux "la prochaine étape". Mais au fond, ils savent que ce qu'ils veulent vraiment, c'est autre chose.

Maxime vient de refermer le chapitre d'un projet entrepreneurial qui n'a pas abouti — une application pour connecter des étudiants, sabotée par des développeurs fantômes. Une expérience amère, mais instructive.

"On s'est dit : on n'a pas de crédit à payer, pas d'enfants, pas de grandes responsabilités. Si on ne le fait pas maintenant, on ne le fera jamais."

Alors ils sautent. Gabriel démissionne. Maxime aussi. Et Petit Paris naît.

Petit Paris : le concept

Un produit signature : le mini-parisien

Pas question de se disperser. Maxime et Gabriel décident de se concentrer sur un produit phare : le mini-parisien, un chou revisité, décliné en une dizaine de parfums (chocolat, caramel, fruits…).

Pourquoi le chou ? Parce que c'est un produit iconique de la pâtisserie française, technique, élégant, et surtout : adaptable. Contrairement à un macaron ou un éclair classique, le chou permet une créativité infinie tout en restant accessible.

Et surtout, il est 100% végétal et sans gluten. Pour la garniture, tout dépend du parfum. Le goût ne doit jamais faire défaut.

Pas par dogme, mais par choix stratégique.

"On voulait un dessert qui convienne à tout le monde. Pas besoin de trois options différentes sur la table. Un seul produit, pour tous."

Un positionnement clair : le B2B avant tout

Au départ, l'idée était de fournir les restaurants. Mais rapidement, ils réalisent que les marges sont trop faibles et que la demande n'est pas au rendez-vous. Les restaurateurs préfèrent acheter des desserts industriels à bas prix.

Alors ils pivotent. Direction les caterers, ces entreprises qui organisent des événements, des cocktails, des séminaires. Là, le besoin est réel : proposer des desserts de qualité, accessibles à tous (classiques mais aussi végétaux, sans gluten…), sans multiplier les références.

Le mini-parisien répond parfaitement à cette demande. Et ça marche.

Les coulisses : complémentarité et confiance

Deux profils, un binôme

Maxime et Gabriel ne se ressemblent pas. Et c'est exactement pour ça que ça fonctionne.

Gabriel, c'est le produit, l'exigence et la créativité. Il passe des heures en cuisine, teste, ajuste, perfectionne. Il est aussi plus réservé, moins à l'aise dans le contact client.

Maxime, c'est l'opérationnel, le réseau et la stratégie. Il noue les relations, convainc les clients, gère la logistique. Il sait vendre sans survendre, et surtout, il sait écouter.

"Maxime sait faire ce que je ne sais pas faire. Et inversement. On ne se marche pas dessus, on se complète."

S'associer avec son meilleur pote : risqué ?

La question revient souvent. Et pour eux, la réponse est claire : ce n'est pas l'amitié qui compte, c'est le fit.

"On peut être potes avec quelqu'un sans vouloir monter une boîte avec lui. Ce qui compte, c'est la confiance, la complémentarité, et surtout : savoir qu'on tire dans la même direction."

Maxime a déjà vécu l'expérience inverse : s'associer avec des gens qu'il connaissait mal, sur un projet qui a capoté. Cette fois, il sait qu'il peut compter sur Gabriel. Et réciproquement.

Les défis : distribution, local, développement

Trouver un local : le nerf de la guerre

Aujourd'hui, Petit Paris produit depuis une cuisine partagée. Mais pour passer à l'échelle, ils ont besoin d'un vrai lieu. Pas seulement pour produire, mais aussi pour créer une vitrine.

"Les gens veulent goûter avant d'acheter. Et nous, on veut un endroit où les clients viennent à nous, plutôt que de livrer partout dans Munich."

Ils cherchent actuellement un local autour de Schwabing, avec l'idée d'ouvrir un café-pâtisserie d'ici fin 2025.

Élargir la gamme, sans perdre l'ADN

Le mini-parisien reste le produit phare. Mais pour répondre aux demandes des caterers, ils développent déjà d'autres créations : bûches de Noël, tartelettes, meringues, mousse au chocolat…

Toujours avec la même obsession : qualité, accessibilité, modernité.

La vision : Munich, puis au-delà

Dans cinq ans, Maxime et Gabriel se voient avec une boutique qui tourne, une production solide, et des partenariats avec les principaux caterers de Munich. Mais aussi : des distributeurs en Allemagne, en Autriche, peut-être plus loin.

Et si on leur demande où ils rêveraient d'ouvrir, la réponse fuse : Dubaï.

"Le marché de la pâtisserie là-bas est énorme, en pleine croissance, et les gens sont prêts à payer pour de la qualité. C'est un terrain de jeu incroyable."

Mais pour l'instant, ils restent focus : construire Petit Paris à Munich, produit par produit, client par client.

Ce qu'on retient

Pas besoin du "bon âge" ou du "bon moment" : il faut juste savoir saisir l'opportunité quand elle se présente.
Le bon associé te complète, il ne te clone pas : Maxime et Gabriel ne se ressemblent pas, et c'est leur force.
La contrainte peut être une source de créativité : faire du végétal et du sans gluten n'est pas une limite, c'est un terrain d'innovation.
L'entrepreneuriat, c'est construire une tour, une brique à la fois : pas besoin d'un plan parfait, juste d'avancer chaque jour.

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Viens poursuivre cet échange lors de la soirée municité le 23/10/2025

Si cette conversation vous a parlé, donné des pistes, de l’élan ou même juste nourri une réflexion, alors je vous invite à venir la prolonger en vrai, le 23 octobre à 18h30 à Munich, lors de notre prochaine soirée municité.

Le thème de ce podium de discussion : Gastfreundschaft & French Touch : Réussir dans l'hospitalité munichoise, un échange à quatre voix avec Sebastian, Julia de Coucou Food Market & Maxime et Gabriel de Petit Paris. Le tout suivi d’un moment convivial autour d’un buffet préparé par l'épicerie fine Chez Pierre.

Les places sont limitées, alors pensez à réserver dès maintenant si ce n’est pas encore fait. Et bien sûr, faites passer le mot autour de vous à toutes celles et ceux que ça pourrait aider ou intéresser.

Je prends ma place !