Il y a des trajectoires qui ne se tracent pas avec une règle, mais avec une boussole intérieure. Pierre, mon invité du jour, suit la sienne depuis toujours : une boussole qui ne pointe pas vers le Nord, mais vers ce qui fait sens, ce qui fait vibrer.
Polyglotte, bon élève, fervent lecteur et sportif aguerri, il aurait pu cocher toutes les cases : école de commerce, CDI chez BMW, carrière managériale brillante...
Mais Pierre a cette particularité rare : celle de savoir écouter ses tripes plutôt que les injonctions sociétales, familiales, amicales.
Alors, il dit non à la sécurité, non aux attentes et troque la rigueur des tableurs Excel pour le rythme et le frisson des lignes d’eau. Il choisit l’incertain et la passion.
Entraîneur de natation, il passe dix ans à former de futurs champions, à transformer des jeunes en athlètes olympiques, à prouver que l’excellence naît du dépassement de soi et du collectif.
Puis, il sent que le cycle est complet. Que l’appel du renouveau est là. Alors, il plonge ailleurs. Il se lance dans l’entrepreneuriat et décide d’ouvrir ChezPierre.eu, la première épicerie fine française à Munich. Un nouveau terrain de jeu certes, mais en fil rouge, toujours cette même exigence, ce même amour du bon et du vrai et ces mêmes moteurs: transmettre, rassembler et nourrir.
Dans cet épisode, on parle de recommencements audacieux, d’excellence bâtie sans filet et de ces petits miracles du quotidien - comme un beurre de baratte capable d’émouvoir aux larmes deux octogénaires bretons.
Cet interview est une leçon sur l’art de ne jamais se trahir, une invitation puissante à l’alignement qui - je l’espère, et je vous le souhaite - réveillera en vous l’élan de suivre vos passions, d’oser emprunter votre propre chemin et d’aller jusqu’au bout de vos rêves.
Note : l’épisode est divisé en deux parties.
Pour suivre et soutenir Pierre :
PARTIE 1 - Nager à contre-courant
Notes de l’épisode
L’enfance en mouvement : langues, lectures et racines multiples
Né à Lyon, Pierre grandit entre l’Angleterre et Munich. Très jeune, il jongle entre le français, l’anglais, puis l’allemand, qu’il apprend avec ses voisins. Ce multilinguisme devient une seconde nature, tout comme son amour pour les livres. L’école lui réussit, sans effort apparent. Mais ce qui l’anime vraiment, c’est le sport - notamment la natation - et ce sentiment d’appartenance à une équipe..
“C’est censé être un sport individuel, mais à l’entraînement, on est un vrai collectif. Tu ne lâches pas. Tu n’abandonnes pas.”
Le détour par la voie classique : école de commerce, stage chez BMW
Porté par un parcours scolaire réussi et un milieu familial où “l’ascenseur social a bien fonctionné”, Pierre suit la voie attendue : une école de commerce, un double diplôme, un stage chez BMW.
Et pourtant, très vite, il se heurte à une sorte de vide intérieur, cette impression d’être une petite fourmi qu’on peut remplacer.
Retour au bord du bassin : une passion qui ne l’avait jamais quitté
Profitant de ses vendredis après-midi libres, il reprend les entraînements avec de jeunes nageurs.
“Je sortais du bassin, j’avais le sourire sans comprendre pourquoi. En fait, j’étais juste revenu là où tout avait commencé.”
Très vite, le nombre d’heures augmente. Puis le contrat devient complet. Il replonge. Il entraîne pendant dix ans. Crée des équipes. Développe des talents. S’interroge, ajuste, se remet en question.
“Je teste plein de choses. J’apprends de mes erreurs. Et c’est comme ça que je suis devenu bon.”
Manager sans le dire, transmettre sans imposer
À 27 ans, il prend la tête de la première équipe du club.
“Je n’étais pas prêt, mais heureusement qu’on m’a laissé cette chance.”
Il découvre le management au sens le plus humain : comprendre les besoins, ajuster le discours, doser les exigences.
“Il y a des nageurs à qui je devais rentrer dedans. D’autres qu’il fallait rassurer. L’uniformité, ça ne fonctionne pas.”
Chaque entraînement devient un laboratoire d’apprentissage, chaque compétition un terrain de croissance - pour ses athlètes comme pour lui.
Fin d’un cycle, naissance d’une transition
Après une décennie, Pierre sent que le chapitre touche à sa fin. Pas d’usure, pas de rejet, juste cette boussole intérieure qui indique une nouvelle direction.
“J’ai toujours su quand il était temps de passer à autre chose. C’est physique chez moi.”
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PARTIE 2 - Du sens et du goût sur les étagères
Notes de l’épisode
Après dix années au bord des bassins, Pierre sent qu’un cycle s’achève. En 2021, l’idée émerge : ouvrir une épicerie fine française à Munich. Il commence par observer :
“J’ai fait le tour, il n’y en avait pas. Un vrai manque.”
Il analyse, chiffre, cherche des aides. Il s’entoure : formations, associations, mentors.
Financer avec du sens (et un peu de plan Marshall)
Le projet est lourd : local, mobilier, stock. Pierre mobilise un tiers d’apport personnel, un tiers de love money, un tiers via un prêt KfW, un fond allemand né… du plan Marshall. Incroyable, mais vrai. Cet argent sert à construire le futur.
Imaginer un lieu, pas juste une boutique
Le projet évolue au gré des visites. Une salle devient espace d’événements, trois chaises en vitrine inspirent un café-bistrot.
“Je ne voulais plus 100 m², mais 200. Plus que vendre, je veux faire vivre une expérience.”
Automatiser pour mieux transmettre
Pierre pense en entrepreneur. Il veut tout structurer pour que “ça fonctionne sans lui”. Pas par retrait, mais par lucidité.
“Je garde l’Excel, les chiffres. C’est eux qui me diront si tout tourne.”
Et le reste ? À déléguer à des passionnés.
Sélectionner à l’instinct, au goût, au lien
Il sillonne la France, rencontre des artisans, goûte, observe. Refuse le marketing vide, l’industriel déguisé. Préfère les producteurs engagés, les parcours humains.
“Je veux une réaction à chaque bouchée. “
Comme ce beurre de baratte qui a fait pleurer deux octogénaires bretons.
Plus qu’une boutique : une immersion
Chez Pierre, ce sera un lieu de dégustation, d’échange, d’événements. Un endroit pour se faire plaisir, seul ou à plusieurs. Avec, bientôt, des soirées tarot.
“Je veux créer un lieu où l’on vit une expérience. Une immersion gustative et humaine dans la France artisanale.”
Trois mots d’ordre : exigence, écoute, collectif.
“Je veux être aussi fier de mes produits que je l’étais de mes nageurs.”
Il parle sourcing, éthique, goût — mais toujours avec cette chaleur humaine qui l’anime. Il ne vend pas un produit, il crée du lien. Il veut nourrir autrement, dans tous les sens du terme.
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Les adresses et coups de coeur de Pierre à Munich
Pour manger et boire :
Sushi Cent : pour ses sushis au rapport qualité-prix imbattable, près du théâtre Residenz ;
L’Angolo della Pizza: pour une pizza généreuse et conviviale ;
Maison Massard pour manger français ;
Schneider Weisse : pour une vraie cuisine bavaroise, avec du cœur, de la langue, du foie et une bière brassée maison ;
Zum Flaucher au bord de l’Isar, le spot parfait pour boire un verre de rosé entre amis, les pieds presque dans l’eau,
À l’extérieur de Munich
Regattaanlage Oberschleißheim : au nord de Munich, un ancien site olympique d’aviron paisible, encore peu connu — idéal pour une sortie hors du temps.
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Merci à Pierre pour cet échange. Ce que je retiens de lui, c’est cette capacité à faire du changement une continuité vivante. Pierre sait reconnaître quand il est temps de clore un chapitre pour en écrire un autre, toujours en restant fidèle à lui-même. Chez lui, chaque transition est un mouvement naturel, jamais une fuite, encore moins une rupture. Il ne tourne pas le dos à ce qu’il a été. Il s’appuie dessus pour aller plus loin, autrement. Il reconnaît les fins de cycle sans amertume, comme on sent qu’une respiration arrive à son terme pour laisser place à une autre.
Et tout au long du chemin, il demande beaucoup à la vie, et donne encore plus en retour, en plaçant l’humain, le partage et l’excellence au cœur de tout ce qu’il entreprend.
Pour poursuivre la conversation, rejoins nous le 2 juin pour la 4ème édition des soirées networking municité. Pierre y sera présent avec une sélection de ses produits.
Les places sont limitées, alors pensez à réserver dès maintenant si ce n’est pas encore fait. Et bien sûr, faites passer le mot autour de vous à toutes celles et ceux que ça pourrait aider ou intéresser.