« Nikolaus », « Christkind » et « Weihnachtsmann » : le point sur les 3 hommes en rouge

Pour les Français en Allemagne que nous sommes, les mêmes interrogations reviennent en fin d’année - bien souvent amenées par nos enfants qui grandissent dans un milieu multiculturel - et nombre d’entre nous se trouvent fort démunis pour y répondre. 

Quelle est la différence entre Saint Nicolas, l’Enfant Jésus et le Père Noël ? Qui apporte quoi, quand et où ? 

C’est l’ambition de cet article : vous donner toutes les clés historiques et culturelles pour être incollables sur ces questions. 

  1. À l’origine, il y avait uniquement le Saint Nicolas.

Saint Nicolas, évêque de Myre en Lycie. Nicolò di Pietro, c. 1390-1400. Palazzo Cini, Venise

Si les trois hommes en rouge ont la même mission - distribuer des cadeaux aux enfants -, ils ont également une origine commune : Nicolas de Myre, évêque de Lycie (l'actuelle Turquie) au IVème siècle et qui serait décédé le 6 décembre, vers 350 après J.-C.. Vénéré comme saint par l'Église orientale depuis le VIème siècle, la légende dit qu'il s'est toujours beaucoup soucié des pauvres, en particulier des enfants, et qu'il leur apportait des cadeaux en cachette la nuit. Après sa mort, le culte de sa personne va se répandre au cours des siècles dans toute l'Europe où d'innombrables églises lui sont consacrées. Aujourd'hui encore, les Grecs le célèbrent comme leur saint national.

Notons que, jusqu'au XIVème siècle, la coutume de distribuer des cadeaux le 24 décembre n’existe pas. Noël reste une fête purement religieuse, célébrant la naissance de Jésus. Mais vers 1300, la coutume de Saint Nicolas se développe et on prend l’habitude d'offrir des cadeaux aux petits, aux pauvres et même aux domestiques le 6 décembre.

Cette nouvelle tradition chrétienne se mêle aux anciennes coutumes et, dans les villes allemandes, des processions sont organisées à l'occasion de la Saint-Nicolas, avec des personnes masquées dans leur sillage : angelots, diables et autres figures païennes (Knecht Ruprecht, Krampus, etc.).

À faire en Bavière 

Un défilé de Krampus a lieu dans la vieille ville de Munich tous les ans. C’est loupé pour cette année car il avait lieu le week-end dernier. 

Mais, si vous allez à Kitzbühel, ne manquez pas de visiter le musée qui leur ai consacré ou bien - beaucoup plus près et c’est ma recommandation coup de coeur - allez faire un tour au Maskeum, musée consacrée à ce rite et situé à Kirchseeon à quelques minutes de Munich. 

Pour info, les Krampus sont les compagnons démoniaques de Saint Nicolas. Leur fonction se voulait éducative : punir les enfants qui se sont mal conduits, contrairement à Saint-Nicolas qui récompensent les enfants sages avec des cadeaux. Les représentations théâtrales visaient de manière générale à remettre les gens dans le droit chemin catholique.


2. Puis, Luther introduisit le « Christkind».

Gustav König : Les joies de l'hiver de Luther au sein de sa famille, gravure sur acier, 1851 (détail) - Stiftung Luthergedenkstätten in Sachsen-Anhalt

Au XVIème siècle, vers 1535, Martin Luther King décide de faire un grand ménage. Pour le réformateur qu’il est, il n’est pas concevable de vénérer un saint qui aurait une influence sur la vie terrestre. Il s’agit de conte pour enfants ou bien même d’un mensonge. Pour lui, Jésus-Christ, Fils de Dieu, est le seul médiateur entre Dieu et les êtres humains. Il décide donc de recentrer la coutume sur le Christ et lui attribue le rôle de distribution des cadeaux. 

Cette coutume d'origine protestante a trouvé des adeptes parmi les catholiques allemands à partir du XXème siècle. Le Christ s'est progressivement transformé en un être angélique aux boucles d'or, qui n’a plus grand chose en commun avec Jésus et qui aurait aussi certainement révolté Luther.

Au cours des trente années qui suivent, l'Enfant Jésus et Saint Nicolas changent de camp : si bien que les enfants du Sud et de l'Ouest de l’Allemagne, majoritairement catholiques, ont fini par donner leur préférence à l'Enfant Jésus de Luther (tantôt sous la forme de l'enfant Jésus, tantôt sous celle d'un être angélique aux traits féminins), tandis qu'à l'Est et au Nord du pays, on lui préfère Saint Nicolas - mais sous sa nouvelle forme : le Père Noël.

À faire en Bavière

C’est le moment de profiter des nombreux marchés de Noël un peu partout dans la ville. Dans cet article en français, vous trouverez une liste complète. Notez que la plupart ferme dès le 23 décembre !

Vous avez également la possibilité de réserver une visite guidée pour en découvrir tous les mystères.


3. Et « Sinterklass » traversa l’Atlantique…

Illustration fantaisiste de Saint-Nicolas au-dessus d'une ville néerlandaise, très probablement la Nouvelle-Amsterdam. Artiste inconnu.

L'image du Père Noël ne s'est développée qu’au cours du XIXème siècle. Contrairement à une idée largement véhiculée, il n’est pas l’invention de Coca-Cola. Lui aussi trouve son origine dans Saint-Nicolas et son émigration en Amérique, via son identité hollandaise “Sinterklaas”. Dans la Nouvelle Amsterdam (établissement néerlandais implanté au XVIIème siècle sur l’île de Manhattan et qui correspond aujourd’hui à Manhattan), il s'est transformé en Santa Claus et s'est de plus en plus fondu dans le Father Christmas que les Britanniques avaient apporté avec eux. 

Alors que Sinterklaas avait un look encore très ascétique, vêtu de l'habit d'un évêque, le Santa Claus américain change de nom pour devenir le Father Christmas et de tenue pour porter des vêtements plus adaptés au climat hivernal.

Les premières descriptions évoquant certains aspects de la forme moderne du Père Noël proviennent de livres américains datant du XIXème siècle. Un poème, publié anonymement en 1823 dans un journal new-yorkais et attribué à Clement Clarke Moore, A Visit from St. Nicholas, va jouer un grand rôle. Le poète y décrit Saint-Nicolas comme un elfe rond et drôle, au petit ventre rond, tout de fourrure vêtu, avec des yeux brillants, des joues roses, un nez comme une cerise, une longue barbe blanche comme la neige et un sifflet. Son traîneau est déjà tiré par huit rennes. Il monte dans les appartements par la cheminée pour remplir de cadeaux les chaussettes qui y étaient suspendues.



4. Pour être relooké en notre Père Noël actuel avant de re-parcourir le monde entier 

Publicité Coca-Cola avec le Père Noël

Pendant la guerre civile américaine, en 1863, Thomas Nast, le caricaturiste politique le plus connu des États-Unis au XIXème siècle, dessine pour la première fois le Père Noël pour l'hebdomadaire Harper's Weekly : grassouillet, drôle et avec une longue barbe en bataille.

Sa vision du personnage va finir avec le temps par supplanter toutes les autres représentations du Père Noël pour s’imposer. 

Il rend également superflu le compagnon européen de l'ancien évêque, Karl Ruprecht, Krampus ou quel que soit son nom. En effet, depuis Nast, le Père Noël tient sa propre liste d'enfants gentils et méchants, sur la base de laquelle il décide qui recevra des cadeaux et qui n'en recevra pas.

Lorsque, dans les années 20, Coca-Cola a voulu utiliser le Père Noël pour sa publicité, le dessinateur publicitaire Haddon Sundblom s'est inspiré du poème de Moore datant de 1822 et les caricatures de Nast ont certainement joué un rôle. 

Pour finir, c'est avec Coca-Cola que ce nouveau Père Noël va conquérir le monde sous son apparence actuelle.


Ce qu’il faut retenir aujourd’hui en Allemagne

  • Le Père Noël et l'Enfant Jésus se partagent le travail, Saint Nicolas arrive plus tôt.

  • Leur répartition des tâches suit les frontières confessionnelles : le Père Noël offre des cadeaux la veille de Noël dans le nord et l'est de l’Allemagne, l'Enfant Jésus principalement dans le sud du pays. 

  • Saint Nicolas est pour ainsi dire l'avant-garde et, dans certains endroits, il vient déjà rendre visite aux enfants le 6 décembre, jour de la Saint-Nicolas.

  • Selon les régions et même les villes ou villages, des rites païens perdurent comme les fameux Krampus dont nous avons parlé plus haut. 

N’hésitez pas à me dire si vous voyez des corrections à apporter ou des informations importantes à ajouter. 

Et vous, quel homme en rouge attendez-vous avec impatience ?